La blockchain comme une des solutions aux crises post-électorales en Afrique

Introduction

Dans nos articles précédents, nous vous avons parlé de ce que c’est la blockchain et de ses usages populaires dans divers secteurs. Dans cet article, sans toutefois entrer dans les démonstrations purement techniques, on va parler de ce que cette technologie peut apporter comme solutions aux crises post-électorales surtout en Afrique où les résultats sont toujours contestés suite au manque de confiance dans le processus électoral traditionnel et/ou aux irrégularités avérées ou supposées.

Le domaine du vote a connu des bouleversements avec l’avènement des TIC. Ces dernières sont intervenues dans le domaine du vote par l’introduction du vote électronique. Le vote électronique est un système de vote dématérialisé, à comptage automatisé, notamment de scrutins, à l’aide de systèmes informatiques.

Par rapport au vote traditionnel, le vote électronique présente assez d’avantages tels que la réduction des erreurs liées au support papier, l’obtention des résultats quasi-immédiatement dès la clôture du vote, la confidentialité, le secret du vote et une baisse significative des coûts.

Technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée et décentralisée et sans organe de contrôle, la blockChain est née avec la monnaie virtuelle Bitcoin pour sécuriser un paiement par Internet sans nécessité de faire intervenir un tiers de confiance comme la banque.

La blockChain est d’abord un concept et une technologie qui garantit transparence et sécurité des transferts d’information. Dès lors, une multitude d’autres applications devient possible comme son usage dans le processus électoral.

Contextualisation

Le vote a toujours été un sujet sensible dans le monde mais particulièrement en Afrique. Bien que les Etats se targuent de démocrates, pour certains, vote rime avec guerre, insécurité…Les processus électoraux sont presque toujours entachés d’importants soupçons de fraude aboutissant très souvent à des violences post-électorales.

Les élections traditionnelles sont des événements complexes à organiser : inscriptions sur les listes, accueil des millions d’électeurs, mobilisation d’agents et comptage des bulletins. On sait que, pour des élections équitables, plusieurs conditions doivent être remplies comme une campagne électorale juste, l’accès aux bureaux de vote et évidemment, le décompte correct des votes.

En plus, les électeurs ont confiance dans la sincérité des résultats s’ils estiment que les règles en vigueur ont été respectées. Face à la remise en question du système de vote traditionnel très complexe et coûteux, aux nombreux scandales d’élections truquées, les accusations de « bourrage d’urnes» et les dysfonctionnements, la blockChain apparaît comme la panacée face à un système traditionnel désuet, une solution performante garantissant un vote sécurisé.

Tel est le projet déjà entamé par un certain nombre de pays bien décidés à se servir de ce registre décentralisé et inviolable dans le cadre de leurs élections. Ces nouveaux systèmes promettent une plus grande flexibilité et une sécurité renforcée : la manipulation des élections et les piratages informatiques devenant quasiment impossibles.

La transparence électorale est donc un fondement essentiel de la confiance des électeurs et de la légitimité des élus. La blockchain permet ainsi d’apporter la confiance qui fait parfois défaut dans certains pays.

À quoi pourrait alors servir la blockchain ?

Une blockchain est une base de données qui contient l’historique de tous les échanges effectués entre ses utilisateurs depuis sa création. Cette base de données est sécurisée et distribuée : elle est partagée par ses différents utilisateurs, sans intermédiaire, ce qui permet à chacun de vérifier la validité de la chaîne.

L’objectif de faire usage de la technologie blockchain dans le processus électoral est de superviser les élections en temps réel, de rendre le scrutin totalement indépendant, libre et transparent afin de garantir l’intégrité du processus électoral. Ceci est possible puisque la blockchain est un système décentralisé, c’est-à-dire qu’il n’est géré par aucun organisme et, dans ce cas, par aucune commission électorale.

Avec le vote traditionnel, une fois le bulletin glissé dans l’urne, il est impossible de savoir ce qu’il devient. La mise en place d’un système décentralisé permet de suivre le bulletin et de compter les votes en temps réel.

L’une des propriétés de la blockchain est l’impossibilité de modifier les informations qui y sont enregistrées. Toute tentative de fraude suppose de modifier les informations d’un bulletin de vote sans être détecté : chose impossible, car chaque bloc est lié de manière cryptographique au précédent. En plus, avec la blockchain, le taux d’erreur lors du décompte serait quasiment nul.

Cette technologie serait donc utilisée pour permettre aux candidats à la présidentielle et aux électeurs d’accéder en toute sécurité aux résultats, ce qui permettrait à tout candidat de voir au fur et à mesure l’avancée du scrutin et ainsi d’éviter des fraudes électorales et des contestations des résultats qui peuvent mettre en mal l’apaisement dans le pays.

Le système de vote par blockchain fonctionnera comme la crypto-monnaie Bitcoin, sauf que les transactions ne seront pas monétaires mais électorales. Chaque vote sera vérifié, validé et enregistré par l’ensemble des participants et même par de tierces personnes. Comme avec le Bitcoin, il suffirait de télécharger le logiciel sur votre ordinateur pour pouvoir constater la légitimité du moindre vote en temps réel.

Grâce à la blockchain, le fichier électoral sera transparent puisque tous ceux qui auront téléchargé l’application pourront suivre en temps réel les opérations d’inscription des électeurs et facilement vérifier si une personne ne remplissant pas les conditions a été frauduleusement inscrite.

La sécurité est un autre élément central. La solidité de la blockchain face aux attaques informatiques n’est plus à démontrer car elle est un registre distribué. Si vous voulez le corrompre, alors il va falloir le faire sur toutes les machines. Ce qui reste très difficile. C’est comme si tout le monde disposait d’une copie authentique de chacune des urnes dans sa maison. Pour truquer un seul vote, il faudra le truquer sur l’ensemble des copies distribuées.

Tout le monde peut en effet voir les enregistrements, mais seules les personnes accréditées peuvent entrer les données. Cela assure donc une très grande transparence. Il est ainsi possible de minimiser les possibilités de fraude électorale même si le maillon faible reste les personnes accréditées elles-mêmes.

L’accès aux bureaux de vote ne serait plus un problème puisque les électeurs pourraient voter à distance (à la maison, au travail, etc.) en un simple clic, ce qui permettrait à une plus grande majorité de citoyens de participer à l’élection.

Dans le cadre du vote par blockchain, le citoyen dispose d’un jeton associé à une adresse électronique privée non visible assurant son anonymat. En interdisant structurellement les doubles transactions, la blockchain empêche les électeurs de voter plusieurs fois, en assurant une transparence complète sur le processus de vote. 

Les limites de la technologie blockchain dans le processus électoral

Cette technologie ne mettra pas fin à certains grands défis liés aux élections classiques comme les problèmes de la répartition inégale des fonds de campagne ou de l’ingérence.

En plus, voter via la blockchain implique de disposer d’une connexion à Internet, ce qui constitue un problème, a fortiori dans les pays pauvres ?  

En outre, la blockchain est une technologie complexe, difficilement compréhensible. C’est donc un problème majeur que des élections soient organisées au moyen d’une technologie que les gens ne comprennent pas.   

La question de la réussite de l’implémentation de la blockchain en Afrique dépend de la mentalité des dirigeants. Il faut tout simplement une réelle volonté politique des décideurs.  

Médiatrice Nkurunziza