Broderie numérique et lutte contre le chômage des jeunes congolais

Par Bernardin SEBAHIRE

Chercheur/ ISDR/Bukavu

L’accès à l’emploi des jeunes demeure un problème crucial en RDC. D’après le dernier sondage U-report du Fonds des nations unies pour l’enfance (Unicef), 78 % des jeunes interrogés n’ont pas de travail. En outre, 25% des jeunes ne trouvent pas des opportunités d’emploi dans leurs filières d’études. L’administration publique, les entreprises privées ainsi que les ONG ne leur offre pas assez d’opportunités de travail après leurs études. Pour quelques jobs proposés aux jeunes, l’exigence d’années d’expérience demeure un obstacle pour ces derniers. Pour survivre malgré leurs diplômes, bon nombre de jeunes congolais se lancent dans la débrouillardise.

Luc Mushagalusa Saiga,  jeune entrepreneur, Licencié en gestion des projets a choisi d’entreprendre dans la filière de broderie. Pour Luc, « la broderie numérique, c’est le fait de transformer le logo, les images en couture. Donc le dessin, on le met sur les habits avec le fil. La broderie numérique étant une nouvelle technologie ici chez nous à Bukavu, vient remplacer la sérigraphie (tout ce qu’on fait avec la peinture, avec le papier transfert, nous le faisons avec le fil ; c’est plus durable et plus esthétique aussi. Vous voyez sur les uniformes des policiers, des agents administratifs et autres personnes, il y a le logo et tout ce logo là, on ne peut pas le mettre avec la peinture parce que dès qu’on lessive, ça va se décolorer mais avec la broderie numérique, c’est résistant et ça fait beaucoup de temps sur les habits. Cette technique, nous l’avons apprise en Belgique et nous sommes rentré ici à Bukavu pour sa matérialisation ».

Une technologie appréciée par la communauté

Au niveau de consommateurs, la broderie numérique est bien appréciée.  Tout le monde qui vient chez nous, est satisfait et revient encore ; sinon si ça ne marchait pas, le client n’allait plus revenir ; seulement, on est un peu cher par rapport à l’autre technique (sérigraphie et peinture) mais ce n’est pas vraiment cher par rapport à ce que nous faisons. La qualité fait la différence. Notre service n’est pas aussi cher ; à l’époque il fallait quitter le pays pour ce service numérique (Kampala, Kenya, Dar es salam, même en Europe). Plus question d’aller à l’étranger pour ce travail. La broderie numérique n’est pas encore populaire à Bukavu, ce n’est pas tout le monde qui le fait ou le fait faire. Nous sommes seuls et les clients viennent tous chez nous, ajoute Saiga.

Nos clients sont nombreux, c’est notamment les scouts de Bukavu et de la RDC en général, c’est avec eux qu’on avait commencé la broderie chez les scouts et j’ai appris cela grâce au scoutisme, je suis parti en Belgique, c’était grâce au scoutisme et ce sont eux mes premiers consommateurs. Parmi mes clients, on trouve également les policiers qui sont devenus nos deuxièmes clients ; les agents de la société des micro finances de Cahi (Bukavu). Tout ce qu’on trouve comme visibilité pour cette entreprise de micro finance, c’est nous qui le faisons. Parmi nos clients, on peut citer les particuliers, les hôpitaux, les Ongs, la liste n’est pas exhaustive…C’est grâce à eux que nous avons émergé.

Le parcours professionnel de Luc

Aujourd’hui, j’ai 38 ans, j’ai commencé le scoutisme à l’âge de 14 ans. Vers 7 ans, j’avais commencé à faire la broderie d’une manière manuelle ; tout ce qu’on fait actuellement, c’est avec le numérique. Grâce à cela, j’ai trouvé un partenariat avec le scoutisme de la Belgique qui a apprécié mes produits (On produit des t-shirt à Bukavu pour les vendre en Belgique) ; c’est avec ça que je suis parti faire la broderie en Belgique. Après avoir maitrisé cette technologie, j’utilise les ordinateurs pour produire tout ce que je fais.

Luc, malgré sa jeunesse, n’a plus envie de demander du boulot. Il a appris à se prendre en charge ; il vit décemment avec sa famille ; ses enfants étudient grâce à son savoir-faire. Aujourd’hui, il forme des jeunes gratuitement. Il encadre deux jeunes au sein de son atelier. Les deux premiers qui ont été formés, sont déjà dans la vie professionnelle.