Par Bernardin Sebahire
Chercheur à l’ISDR/Bukavu
La transparence et la redevabilté figurent parmi les cinq piliers de la bonne gouvernance dans les Etats fragiles à l’instar de la RD Congo. Dans le domaine de l’éducation, ces principes sont malheureusement relégués au second plan par les dirigeants.
Depuis 30 ans, les écoles en RDC fonctionnent pratiquement grâce à la subvention des parents à travers une prise en charge des enseignants. Ce qui était conçu comme une mesure palliative à la rescousse d’un Etat essoufflé d’abord par plusieurs années de mégestion sous la dictature, puis de guerre de prédation, s’érige, curieusement, de plus en plus en système ; et la grogne monte de tout côté. Les parents paupérisés disent ne plus en vouloir ; les enseignants désabusés ou floués la dénoncent ; les enfants crient à la violation de leur droit à l’éducation. Pour plusieurs, il s’agit ni plus ni moins de la violation de la gratuité de l’enseignement consacrée par la Constitution comme droit régalien et non négociable.
Et pourtant, malgré ces différents avis apparemment unanimes, la situation est loin de changer. Les écoles continuent à exiger et à percevoir la prime scolaire, et les parents de leur côté, bon gré mal gré, continuent à la payer. Les arguments divergent : pour les uns, il s’agit d’une obligation morale pour les parents de contribuer à l’éducation de leurs enfants, et pour les autres, qui signent et persistent, on ne saurait continuer à entretenir un arrangement anticonstitutionnel en obligeant la prime.
Il y a même plus car en plus, les enfants payent les frais de construction, achètent obligatoirement les uniformes avec logo et cachet scolaire, contribuent aux frais d’équipement informatique, au payement du gardien de l’école et même aux frais d’organisation des fêtes.
En définitive, les parents sont ponctionnés par diverses pratiques et véritablement saignés. Ils crient au secours et ne ratent aucune opportunité pour réclamer qu’il soit mis fin à ce système qui les martyrise. Face à ce caractère avilissant de la prime scolaire, les usagers sont-ils prêts à supporter les conséquences de la suppression de la prime ? Cette question continue à diviser les uns et les autres.
Les parents restent les premiers concernés, puisqu’en définitive, c’est de leurs enfants qu’il s’agit, même si à travers un contrat social, ils partagent la responsabilité avec les gouvernants. Encore faut-il que ce contrat social existe réellement et que les parties en soient conscientes. Combien de parents sont prêts aujourd’hui à garder leurs enfants à la maison à la rentrée scolaire si l’Etat n’est pas en mesure de prendre en charge le fonctionnement des écoles ?
La gratuité de l’enseignement, une lecture de Tony Mwaba, Ministre congolais de l’Enseignement primaire, secondaire et technique
En 2019, quand le président de la République décide retourner progressivement à la case départ, en commençant par la gratuité de l’enseignement au niveau primaire, nous avons observé quelques résistances, non pas parce que l’effectivité de la gratuité est impossible, mais les résistances sont dues à la cupidité de ce qui sont habitués à manipuler l’argent dans les salles de classe, au lieu de manipuler les ouvrages et les manuels scolaires. Les chefs d’établissement, les promoteurs d’école ainsi que tous les autres commerçants se son invités dans le secteur de l’enseignement et en ont fait un grand marché public pour faire du commerce sur le dos des élèves et se faire de l’argent, en lieu et place d’éduquer les élèves. Cette situation a affecté la qualité de l’enseignement.
Démocratisation de l’école
Entretemps, l’éducation s’est démocratisée ces cinq dernières années en RDC et dans la plupart des villes du pays. En juillet 2022, le centre de recherche sur l’anticorruption (CERC), a lancé la campagne sur le danger de la corruption en milieux scolaires. Ce centre offre à chaque élève formé un téléphone smartphone ayant l’application « Educhshek » pour signaler des informations utiles sur les actes de corruption dans son école. Face à la corruption et mauvaise gouvernance signalées dans le secteur de l’éducation, les élèves ont pris la résolution d’agir en faveur de le redévabilité et de la qualité de l’éducation. Des élèves ont ainsi suivi des formations sur le renforcement de l’intégrité communautaire. Ces derniers sont aussi outillés sur les innovations numériques à travers l’application mobile « Educhshek ». Désormais, les élèves sont en mesure de surveiller les services éducatifs mis à leur disposition ainsi que la qualité des infrastructures qui abritent les écoles. Ainsi, les élèves parviennent à rédiger des rapports, à dénoncer et à dresser l’état de lieu de la corruption et des antivaleurs dans les écoles et au sein de la communauté.
Selon Toyi Mirefu, consultant au Centre de recherche sur l’anti-corruption, entre 2019 et 2020, le projet CERC, a mis sur pied des clubs d’intégrité dans les écoles. A Uvira, dans la province du Sud-Kivu, des élèves ont dénoncé la perception des frais illégaux dans les écoles. L’application numérique en cours, a permis aux décideurs de prendre des décisions importantes en vue d’améliorer les conditions hygiéniques dans 90 écoles du territoire d’Uvira.