Jadis considérée comme la capitale du « Grand Kivu », la ville de Bukavu perd chaque jour son prestige à cause des antivaleurs qui ont élu domicile dans l’ex. Constermansville. Toutefois, Bukavu reste un carrefour du savoir où sont concentrées d’importantes infrastructures scolaires et universitaires.
En effet jusqu’en 1990, Bukavu était un pôle d’attraction pour des touristes et visiteurs en provenance d’autres provinces de la RDC et de certains pays voisins de la région des grands lacs. Trente après, le décor de Bukavu a changé, malheureusement dans le négatif. Sur le plan des TIC, ce témoignage se passe de tout commentaire :
« Nos écoles ne sont pas suffisamment équipées en outils informatiques. Pour celles qui ont réussi à résoudre ce problème, il se pose également le problème de l’électricité. Nos choix sont limités par rapport à ce domaine. Au lycée Cirezi, nous connaissons ces difficultés depuis environ trois ans maintenant,» se plaint Jennifer Maliyetu, élève en troisième secrétariat.
Pendant ce temps, la jeune génération manifeste un engouement vers la technologie de l’information et la digitalisation numérique. Alva-Ntyo Mihigo est un Ingénieur en Génie et Gestion des Télécommunications. Il est gestionnaire d’une petite entreprise spécialisée dans la migration digitale. Herton Pro, c’est le nom de l’entreprise que pilote Alva. A travers cette unité, Alva vise l’intégration de l’outil numérique dans le milieu professionnel.
Le jeune entrepreneur veut ainsi contribuer à la migration du traditionnel vers le numérique et la digitalisation dans cette ville dont la population est estimée à plus de un million de personnes avec 40% des jeunes. Après ses études au Burundi, Alva veut faire du numérique congolais un « levier pour l’intégration, la bonne gouvernance, la croissance économique et le progrès social ». Mais les défis sont considérables pour développer le numérique en RDC. Avec une superficie de plus de 2 ,4 millions de Km2, aujourd’hui les opérateurs ne couvrent que 40% du territoire.
Autre obstacle au déploiement du numérique, c’est la résistance opposée par les responsables des ong et chefs d’entreprises qui ne sont pas prêts à franchir ces barrières numériques. Ces derniers redoutent la transparence du process. Le défi lié à la carence énergétique ne facilite pas non plus le développement numérique à Bukavu. En effet, la plupart des villes de la RDC sont confrontées aux problèmes d’électricité et de connexion à l’internet.
Autres facteurs défavorables au développement du numérique à Bukavu réside au niveau administratif. Le coût exigé au fournisseur de la connexion internet s’élève actuellement à 50 mille dollars, ces opérateurs sont ainsi surtaxés et c’est le consommateur qui en paie les frais.
Tout ce qu’on a comme progrès dans le numérique à Bukavu, est le résultat de l’importation. On consomme encore une fois l’extérieur car même la connexion internet est fournie par des sociétés étrangères.
Ce diagnostic montre à quel point la RDC et le gouvernement provincial n’a pas de politique claire en faveur de l’entreprenariat numérique. Par contre les pays comme le Rwanda, le Burundi, le Kenya et l’Ouganda disposent déjà d’incubateurs numériques mais aussi des laboratoires partagés. Au Congo cependant, il n’y a pas d’incubateurs qui se focalisent dans le numérique.
Le dernier programme de 100 jours du gouvernement de la RDC n’avait pas intégré le numérique dans son budget. Toutefois, l’espoir reste permis avec la désignation au mois d’avril 2021 d’un Ministère chargé du numérique.
Le numérique, incontournable avec l’apparition de la covid-19
Dans le contexte actuel marqué par la Cocid-19, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), affirme que la demande des compétences numériques a été accélérée. C’est le cas à Bukavu où l’Université catholique de Bukavu (UCB), a été la première institution à lancer des enseignements en ligne en période fermeture des écoles et universités dans la ville de Bukavu.
Malgré la situation de la pandémie à coronavirus qui a conduit le chef de l’État à prendre une série de mesures parmi lesquelles la suspension momentanée des enseignements sur toute l’étendue du pays, l’Université catholique de Bukavu avait mis en en place un programme qui a permis aux étudiants et aux enseignants de garder la distanciation sociale tout en suivant les cours.
Dans un entretien avec les professeurs Wenceslas Busane et Lucien Zihindula, respectivement vice-recteur aux affaires académiques et président de la commission chargée de l’enseignement à distance, ces derniers parlent de la motivation et des atouts dont dispose l’UCB pour la réussite de cette initiative.
S’agissant de la motivation, le prof Wenceslas a déclaré “nous avons décidé d’initier l’enseignement en ligne parce qu’ après avoir longuement réfléchi, nous devrions trouver une alternative pour continuer à vivre comme il le faut dans l’enseignement et la recherche même pendant la situation que nous parcourons. C’est pourquoi on a mis en place une plate-forme qui permettra aux enseignants et aux étudiants d’être interconnectés”. Concernant les atouts, l’UCB dispose d’un personnel enseignant bien outillé et qui est bien formé sur la NTIC et les étudiants possèdent tous des outils qui leur permettent de se connecter à l’internet, a-t-il précisé.
L’expérience de l’UCB reste unique dans la ville de Bukavu. En effet, très peu d’Institutions universitaires disposent de connexion à l’internet. Les enseignements sont dispensés en mode présentiel, faute de connexion à l’internet. Les universités font face à l’épineuse question de carence en équipements informatiques. La plupart des étudiants n’ont pas d’ordinateurs et sont incapables de payer des crédits téléphone pour naviguer. L’Etat congolais n’octroie pas de bourses aux étudiants. Tous les frais académiques sont pris en charge par les parents.