Des survivantes de violences sexuelles ne désarment pas !

Par Bernardin Sebahire

Chercheur à l’ISDR/Bukavu

Survivre à l’Est de la République démocratique du Congo est devenue la règle. Tout est adversité : l’insécurité demeure, les tracasseries administratives ne favorisent pas l’entreprenariat féminin, le changement climatique affecte la production paysanne, les services de base ne sont pas accessibles à la femme paysanne, l’accès à l’eau potable reste un défi malgré le potentiel hydraulique de la RDC. Face à ce tableau peu reluisant, l’unique salut réside dans la résilience.

Selon l’UNESCO, la RDC compte 18 millions d’analphabètes sur une population estimée à plus de 77 millions d’habitants. Le taux d’alphabétisation chez les plus de 15 ans en 2015, y est estimé à 77%, dont 89% chez les hommes et 66% chez les femmes. La plupart des analphabètes sont des femmes, elles ne parlent pas non plus (pour la plupart) les langues coloniales comme le français, il y a donc aussi un problème de contenu.

En RDC, près de 52% des femmes sont des survivantes de violences domestiques et 39% des femmes congolaises ont déclaré avoir été menacées ou blessées. 27% des femmes en RDC sont victimes de pratiques traditionnelles néfastes. Les mariages précoces sont fréquents. En 2007, 39% des femmes âgées de moins de vingt ans étaient mariées ou en union avant 18 ans.

Le gouvernement congolais tente de réduire le nombre d’analphabètes, notamment à travers le rattrapage scolaire, l’alphabétisation et la formation professionnelle. Mais les moyens ne suivent pas toujours.

Un secrétariat public pour la communauté

La Fondation Panzi de Bukavu accompagne les femmes vulnérables dans le cadre de l’autonomisation de la femme. Après la prise en charge médicale et psychologique, les survivantes de violences sexuelles ont la possibilité de suivre une formation professionnelle dans une filière de leur choix. Espérance et Furaha ont choisi l’informatique pour leur apprentissage professionnelle. Après six mois de formation, Espérance a obtenu son brevet de formation. Depuis septembre 2021, Espérance exploite un secrétariat public pour les travaux de saisie et impression.

« Après le cycle de l’école primaire, je me suis retrouvée sans occupation ; j’ai décidé de me rendre à la Fondation Panzi pour prendre mon inscription dans la filière informatique. J’ai été bien reçue et j’ai débuté la formation en informatique et celle-ci a duré 6 mois. A la fin de la formation, on nous a remis des brevets de participation ainsi qu’un kit informatique composé d’ordinateur, imprimante et d’un générateur ». A la question de savoir pourquoi le choix à l’informatique, Espérance répond : « L’informatique est devenue incontournable pour notre génération, celui qui ne maitrise pas l’informatique est marginalisée dans la société ; l’informatique m’a permis d’accéder à plusieurs opportunités par rapport à notre époque. Ainsi, j’ai choisi d’installer le secrétariat public dans un quartier populaire, à proximité d’un hôpital général de référence. La plupart de nos clients sont constitués des étudiants et des jeunes. Parmi les services que nous offrons à la communauté, je peux citer la conception et l’impression des invitations de mariages, des affiches et des impressions sur tissu. Grâce à cette activité, je suis devenue autonome sur le plan financier ; je suis désormais capable de me prendre en charge pour certains besoins. Ce métier que j’exerce me mets à l’abri de dénigrement. Ceci étant, j’invite les autres filles à se prendre en charge ; l’époque de la mendicité et de dépendance est révolue ».

Autonomisation économique des femmes et entreprenariat féminin

Réduire la vulnérabilité économique des femmes peut contribuer à la prévention de la violence à l’égard des femmes et des filles. A cet effet, ONU Femme Afrique fournit une assistance technique au gouvernement congolais pour la mise en œuvre de plans d’action pour l’égalité des sexes. ONU Femme collabore également avec les ministères pour promouvoir l’accès à des infrastructures et des services sensibles au genre et soutenir les femmes des zones rurales, les commerçants informels et les femmes chefs d’entreprise dans l’accès à la formation et aux services professionnels.