RDC : Les ex-combattants à l’ère du numérique

Par Bernardin Sebahire

Chercheur à l’ISDR-Bukavu

L’émergence des groupes armés et leur persistance provoquent de nombreuses conséquences. Dans les milieux ruraux en particulier, la militarisation des problèmes socio-économiques est devenue monnaie courante. Il devient difficile de penser la société rurale en dehors des influences miliciennes, étant donné que les groupes armés font désormais partie intégrante du paysage social, politique et économique local. Leur activisme a également des conséquences majeures sur la cohésion sociale. La mobilisation de ces groupes armés par différents acteurs participe à la détérioration des relations sociales et accroit la méfiance au sein de la population. Ils interviennent aussi bien  dans les conflits liés à l’accès et au contrôle de la terre et des minerais, que dans les conflits socio-économiques, identitaires, ou encore dans les conflits de pouvoir coutumier et les conflits interindividuels.

Quels que soient les motifs de leur création, les Groupes armés (GA) n’ont fait qu’impacter négativement les relations sociales. Leur présence aggrave les conflits et entretient une insécurité permanente des personnes et de leurs biens, tout en freinant le développement local. Les initiatives de paix au niveau des communautés qui ne tiendraient pas compte de la présence des GA n’auraient qu’un impact limité ; ceux-ci faisant partie intégrante de la société censée bénéficier de ces initiatives. L’influence réciproque société-groupes armés est donc devenue une réalité incontestable.

Conscient des défis et expériences du passé, le gouvernement congolais a annoncé la mise en œuvre d’un nouveau Programme de Désarmement, Démobilisation Relèvement Communautaire et Stabilisation (P-DDRCS). Ce dernier suggère une approche communautaire et décentralisée, dirigées par les populations locales. Les communautés ne sont pas de simples bénéficiaires des programmes de démobilisation et de réinsertion mais des acteurs –clés du processus. Ces communautés sont au centre de la recherche des pistes de solution durables pour la réintégration et la cohésion sociale. Le DDRC est donc un processus de resocialisation des ex-combattants avec leurs communautés. Ce processus se déroule au sein même des communautés que les ex-combattants ont abandonnées un moment et qu’ils doivent réintégrer. Des cadres permanents de dialogue, associés à un soutien psychosocial et à la création d’opportunités économiques qui profitent à l’ensemble des communautés, sont des ingrédients cruciaux pour la réconciliation, la prévention de la (re-)mobilisation future et la réinsertion des combattants.

Pour briser le cercle vicieux de l’économie de guerre qui règne depuis des décennies dans l’Est de la RDC, des efforts courageux sont indispensables sur le terrain, à travers notamment les formations professionnelles, outils de développement et de paix. Fort de ce constat, l’Institut National de Préparation Professionnelle (INPP) s’est intéressé aux jeunes sortis de forces et groupes armés mais surtout à leur réinsertion socio-économique. Ainsi à Goma, Province du Nord Kivu, RD Congo ; 20 jeunes à risque et 20 ex-combattants démobilisés ont reçu des kits leur permettant de commencer la réparation de téléphones après six mois de formation professionnelle en réparation d’appareils cellulaires.

Après avoir été relâché par l’armée, Isaac a bénéficié d’une réadaptation dans un centre de transit spécialisé géré par une ONG locale partenaire de l’UNICEF à Goma, chef-lieu du Nord-Kivu. Isaac et quatre autres jeunes y ont appris l’électronique et acquis d’autres compétences professionnelles.

« J’aimerais rester ici pour l’instant parce que la région d’où je viens n’est toujours pas sûre », explique Isaac. « Les rebelles sont toujours là, et ils risquent de me tuer ».

Charles Ndusha, formateur au centre des jeunes, explique que le processus conduisant à l’apprentissage de métier d’Isaac était éprouvant. « Notre objectif est de faire en sorte que ces jeunes soient bien formés lorsqu’ils quittent  le centre afin qu’ils puissent mener une vie autonome dans leur communauté, dans la société et dans leur famille », ajoute le professionnel.